L'enjeu des langues

Par AutreChose, 12 juillet, 2025
jean jacques lecercle dans un débat autour de lénine

A propos du travail de jean jacques Lecercle "histoire de mots et luttes de langue". 

1. Structure et composition de l’ouvrage

L’ouvrage réunit deux interventions inédites et un entretien avec Lecercle Fabula+11editionssociales.fr+11boutique.editionssociales.fr+11.

  • La première intervention développe une sociolinguistique historique qui vise à “exhumer […] les luttes de classe […] sédimentées” dans la langue Armitière+4editionssociales.fr+4Gibert+4.

  • La deuxième interroge la vivification des œuvres, notamment Frankenstein et Dracula, et leur transformation en mythes ou archétypes idéologiques .

  • L’entretien élargit ces thèmes, en réfléchissant à l’usage de la linguistique comme outil de lutte politique.

2. Langage et lutte sociale

Lecercle s’inscrit dans la lignée du marxisme, pour qui le langage est un site de lutte : chaque mot ou norme porte l’empreinte de rapports de classe Reddit+11editionssociales.fr+11OpenEdition Journals+11. Cette approche s’oppose aux visions formalistes (Saussure) ou structuralistes déconnectant langue et histoire. Il montre que le langage est historiquement situé et socialement conflictuel, pas seulement un système neutre.

3. Phénomènes de mythisation

La lecture marxiste permet d’analyser comment certaines œuvres – ici Frankenstein ou Dracula – évoluent de produits historiques vers des mythes trans-historiques, mobilisés de manière idéologique hors du contexte de leur genèse Eyrolles+4editionssociales.fr+4Gibert+4. Lecercle montre cette dérive et comment elle participe à renforcer certains discours ou identités, y compris conservatrices ou libérales.

4. Norme, interpellation et contre-interpellation

Lecercle déploie une réflexion sur le passage du système linguistique (normes formelles) aux pratiques effectives des locuteurs :

  • La norme (prescription standard) coexiste avec le “hors‑norme” où s’inventent les formes de la résistance.

  • Il reprend la notion d’interpellation d’Althusser (langage qui assujettit) pour montrer la possibilité de la contre-interpellation : c’est-à-dire le moment où le sujet reprend la langue, la métamorphose – par l’insulte, la re-sémantisation, le jeu stylistique – pour renverser le rapport dominant Fabula+1OpenEdition Journals+1ameriber.u-bordeaux-montaigne.fr+1librairieclareton.fr+1.

5. Langue, formation linguistique et conjoncture

Dans la continuité de sa sociolinguistique historique, Lecercle définit la langue non comme entité abstraite, mais comme formation linguistique : un assemblage contradictoire d’éléments normatifs, pratiques en vigueur et mutations émergentes boutique.editionssociales.fr+11ameriber.u-bordeaux-montaigne.fr+11Fabula+11. Cette formation prend forme dans une conjoncture linguistique, c’est-à-dire un moment historique et politique déterminant. La langue devient donc émergence dynamique et conflictuelle.

6. Style comme art de résistance

Le concept de style est entendu comme individualisation de rapports sociaux ameriber.u-bordeaux-montaigne.fr. Le style incarne la manière dont l’individu négocie la norme : faute, variation, audace linguistique sont autant d’actes de résistance langagière.

7. Enjeux politiques et méthodologiques

  • Méthodologie marxiste : Lecercle s’appuie sur l’histoire sociale, mais aussi sur des analyses textuelles précises.

  • Politisation de la linguistique : la langue est reconnue comme champ de bataille idéologique, au même titre que l’économique ou le politique Gibert.

  • Invitation à l’action : comprendre la langue comme lutte encourage à développer des formes de contre-discours et de résistance symbolique dans la parole courante.

8. Apports majeurs

  • Puissance de l’analyse marxiste appliquée au langage : elle révèle les rapports de classe masqués dans la langue.

  • Renouvellement de la sociolinguistique : Lecercle réunit système, style, conjoncture, interpellation – pour penser la langue dans sa dimension historique et conflictuelle.

  • Outillage politique : langue et style deviennent des leviers de lutte, non de conformisme.

Conclusion

Histoire de mots et luttes de langues est un ouvrage court (env. 130 pages) mais dense, qui propose une linguistique radicale : langage comme lieu de pouvoir, de conflit, de résistance. Lecercle nous invite à reconnaître la dimension politique de chaque mot, à nous arpenter dans la langue pour mieux y vivre et lutter – pour sortir de la neutralité imposée par les normes, et inventer des façons collectives et créatives de parler un monde alternatif.

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